Association Internationale des Hautes Juridictions Administratives
International Association of Supreme Administrative Jurisdictions

Thaïlande

M. Vorapot Visrutpich
 - Président
Office des juridictions administratives de Thaïlande 120 Moo 3, Rue Chaeng Wattana, Laksi, Bangkok 10210 Thaïlande

1. Organisation judiciaire nationale

1.1. Présentation générale de l’organisation judiciaire et place de l’ordre juridictionnel administratif

Depuis 1997, la Constitution du Royaume de Thaïlande, B.E. 2540 (1997) prévoit le dualisme juridictionnel avec la juridiction administrative complètement séparée de la juridiction judiciaire. Il existe donc deux ordres de juridiction : judiciaire et administratif.  Dans l’ordre administratif, il existe 15 Tribunaux administratifs de première instance dont celle de Bangkok qui est dite « centrale ». Les jugements rendus par ces Tribunaux administratifs de première instance peuvent faire l’objet de pourvoi en cassation devant la Cour administrative suprême. Les cours administratives traitent de tous les contentieux entre particuliers et administrations. Quant à la Cour administrative suprême, elle est compétente pour statuer sur toutes les affaires en dernière instance.

 1.2. Dates importantes de l’évolution de la juridiction administrative et du contrôle des actes de l’administration

Le 11 octobre 1997    L’entrée en vigueur de la Constitution. Cette Constitution met en place le dualisme juridictionnel.

En 1999                      Loi relative à l’établissement des juridictions administratives et la procédure administrative contentieuse

Le 9 mars 2001          Inauguration de la juridiction administrative (Cour administrative suprême et Cour administrative centrale)

En 2001-2009             Etablissement des juridictions administratives de première instance dans les grandes provinces du royaume : Chiang Mai, Songkhla, Nakhon Ratchasima, Khon Kaen, Phitsanulok, Rayong, Nakhon Si Thammarat, Udon Thani, Ubon Ratchathani, Phetchaburi, Nakhon Sawan, Suphan Buri, Phuket et Yala

En 2011-2017             Création des Sections de l’environnement et de la fonction publique dans la Cour administrative suprême

                                   Puis s’y ajoutant les Sections de la discipline budgétaire et financière, de l’administration publique et de la responsabilité administrative

1.3. Critères de compétence de la juridiction administrative

Les juridictions administratives sont compétentes pour connaître :

(1) Des litiges concernant l’illégalité d’un acte d’une administration ou d’un agent de l’Etat : que ce soit un règlement, un ordre ou tout autre acte qui serait entaché de l’incompétence, du détournement de pouvoir, de la violation de la loi, du vice de forme, de mauvaise foi, ou résultant de la discrimination injustifiée, ou rajoutant inutilement des procédures ou des formalités ou créant des tâches supplémentaires au public, ou constituant une discrétion illicite ;

(2) Des litiges se rapportant au manquement d’une administration ou d’un agent de l’Etat à un devoir imposé par la loi, ou au retard excessif dans l’accomplissement d’un tel devoir ;  

(3) Des litiges tendant à engager la responsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute d’une administration ou d’agent de l’Etat résultant soit de l’exercice de son pouvoir en vertu d’une loi, soit d’un règlement, d’une décision, soit du manquement à un devoir imposé par la loi, ou du retard excessif dans l’accomplissement d’un tel devoir ;

(4) Des litiges nés d’un contrat administratif ;

(5) Des litiges prévus par une loi requérante une administration ou un agent de l’Etat à porter un recours devant une juridiction pour ordonner une injonction à une personne d’agir ou de ne pas agir ;

(6) Des litiges relevant de la compétence de la juridiction administrative en vertu d’une loi.

2. Organisation de la juridiction administrative

2.1. Fondements textuels

Loi portant création des juridictions administratives et de la procédure administrative contentieuse, B.E. 2542 (1999)

2.2. Organisation et compétence de la juridiction administrative

  • Organisation générale de l’ordre juridictionnel administratif

La justice administrative est-elle rendue par des juridictions spécialisées ou par des chambres spécialisées au sein de juridictions disposant d’une compétence générale ? La juridiction administrative comprend-t-elle plusieurs niveaux de juridiction (premier ressort, appel, cassation) ? Existe-t-il des juridictions administratives spécialisées ?

La Constitution du Royaume de Thaïlande, B.E. 2540 (1997) prévoit une Cour administrative suprême, des Tribunaux administratifs de première instance, éventuellement une Cour administrative d’appel, et un Secrétariat général des juridictions administratives.  La juridiction administrative est complètement séparée de la juridiction judiciaire.

  • Organisation interne des juridictions administratives et des formations de jugement

Les juridictions administratives sont-elles organisées en chambres ou en pôles ? Ces chambres ou pôles sont-ils spécialisés ? Existe-t-il plusieurs degrés de formation de jugement (juge unique, formation collégiale à trois, cinq… juges, formation plénière solennelle) ?

Les juridictions administratives sont organisées de la façon suivante :

En chambres

Une chambre de la Cour administrative suprême est composée d’au moins cinq juges, et d’au moins trois juges pour les Tribunaux administratifs de première instance.

En sections

Deux sections spécialisées dans les Tribunaux administratifs de première instance sont créées : 1) la Section d’environnement et 2) la Section de fonction publique et cinq sections spécialisées dans la Cour administrative suprême :

1) la Section d’environnement ;

2) la Section de fonction publique ;

3) la Section de discipline budgétaire et financière ;

4) la Section d’administration publique ; et

5) la Section de responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute.

Les juridictions administratives en Thaïlande ne détiennent pas de compétence consultative.

  • Outils et ressources documentaires mis à disposition des juges

Il y a un système intranet fournissant des ressources documentaires aux juges et une bibliothèque du droit publique qui est bien connue pour une variété de collections des livres et des documents importants.

2.3. Statut des juges administratifs

Quelles sont les modalités de recrutement des juges (concours, désignation politique, élection par des pairs…) ? Quelles garanties statutaires leur sont offertes dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier en termes d’indépendance ?

Les juges administratifs sont sélectionnés par le concours général qui porte sur des épreuves écrites et orales.  Les juges à la Cour administrative suprême doivent être approuvés par le Sénat avant leur nomination.

La nomination et la révocation d’un juge administratif doivent être approuvées par le Conseil supérieur de la magistrature administrative (C.S.M.A) conformément à la loi avant d’être présentées au Roi.

Les personnes qualifiées dans le domaine des sciences juridiques ou de l’administration publique peuvent être nommées juges de la Cour administrative suprême.  Ces nominations couvrent un tiers au moins du nombre total de postes de juge de la Cour administrative suprême et doivent être approuvées par le C.S.M.A conformément à la loi ainsi que par le Sénat avant d’être présentées au Roi.

La promotion, l’augmentation de traitement et les sanctions visant les juges administratifs doivent être approuvées par le C.S.M.A.

3. Procédure devant le juge administratif

3.1. Types de recours ouverts

Quelle est la nature des demandes que les requérants peuvent former devant la juridiction administrative ? Les actions ayant pour objectif l’annulation d’actes administratifs sont-elles les seules actions ouvertes ? La juridiction administrative peut-elle statuer sur des recours indemnitaires ?

Il y a, en Thaïlande, 3 grands types de recours administratifs.  Le plus courant est le recours tendant à l’annulation de l’acte administratif illégal.  Ensuite, les justiciables peuvent aussi présenter des requêtes tendant à faire payer à l’Administration des indemnités pour faute, pour responsabilité contractuelle ou même pour responsabilité sans faute.  Le troisième type de recours est celui tendant à demander l’injonction à l’égard de l’Administration en cas de manquement aux devoirs exigés par la loi.

3.2. Procédures d’urgence

Des procédures d’urgence existent-elles devant la juridiction administrative ? Si oui, sont-elles générales ou concernent-elles seulement des domaines particuliers de l’action administrative (libertés individuelles, marchés publics…) ?

Les procédures d’urgence existent devant les juridictions administratives en Thaïlande prévues dans la Loi portant création des juridictions administratives et de la procédure administrative contentieuse, B.E. 2542 (1999).  Lorsqu’un requérant forme un recours devant la juridiction administrative pour l’annulation d’un règlement ou d’un ordre, ils ne peuvent pas être suspendus immédiatement.  Néanmoins, le requérant peut y porter une demande sans condition de délai afin de suspendre l’exécution du règlement ou de l’ordre provisoirement avant que la juridiction administrative rende un jugement ou un ordre mettant fin au litige.

A la demande du requérant, la juridiction administrative peut accorder une provision ou prendre des mesures avant dire droit pour protection de ses avantages durant le déroulement de la procédure contentieuse et pour l’exécution d’un jugement sauf un litige concernant l’annulation des règlements ou des décisions.

3.3. Principes régissant la procédure suivie devant le juge administratif

Quelles règles régissent le déroulement de la procédure contentieuse devant le juge administratif ? De quelles garanties bénéficient les parties ? Comment s’organisent les relations entre le juge et les parties ?

La procédure devant le juge administratif présente trois caractéristiques essentielles.

Tout d’abord, comme devant le juge judiciaire, elle est contradictoire.  Ce principe signifie que chacune des parties a le droit d’être informée des arguments et des pièces présentés par l’autre partie au juge.  La contradiction est un droit pour les justiciables et elle s’impose au juge.  En aucun cas, ce dernier ne peut fonder sa décision sur un élément dont l’une des parties n’a pas eu connaissance.

Elle est ensuite inquisitoire : le juge seul dirige l’instruction.  Ainsi, c’est lui qui adresse les différents mémoires à toutes les parties au litige.  C’est également lui qui peut exiger des parties la production de certaines pièces ou la présentation de certains éléments.  Le caractère inquisitorial de la procédure est justifié par le déséquilibre important qui existe entre les deux parties dans un procès administratif.

Enfin, elle est écrite. Les parties ne peuvent en principe présenter leurs conclusions et leurs arguments que sous forme écrite.  Ce principe rend la procédure administrative moins souple, mais présente une garantie de sérieux et de sécurité.

Ces mécanismes s’assurent que la justice administrative est rendue au public de façon juste et efficace.  Cela permet au public d’avoir confiance en justice administrative et de promouvoir respectivement la modernisation du droit administratif en Thaïlande.

L’indépendance judiciaire constitue le principe contrôlant la relation entre des juges et des requérants.  Sans intervention du pouvoir exécutif du gouvernement, les juges administratifs sont indépendants et impartiales. 

3.4. Normes de référence pour le contrôle exercé par le juge administratif

Par rapport à quelle norme (règlements, lois, conventions internationales, constitution…) le juge administratif contrôle-t-il les actes qui lui sont soumis ? Est-il compétent pour contrôler la conformité des lois et des règlements à la Constitution ? Est-il compétent pour contrôler la conformité des lois et des règlements aux traités internationaux ?

Le juge administratif a le pouvoir de contrôler la légalité des actes administratifs.  Il ne peut pas contrôler la conformité des lois et des règlements à la Constitution et celle des lois et des règlements aux traités internationaux parce que le contrôle judiciaire constitutionnel relève de la compétence de la Cour constitutionnelle.

3.5. Champ et nature du contrôle du juge administratif

Le juge administratif est-il compétent pour contrôler l’ensemble des actes pris par l’administration ? Certains actes sont-ils soustraits à son contrôle ?

Le juge administratif n’est pas compétent pour contrôler les actes de nature publique.  Les actes de gouvernement sont soustraits à son contrôle.

Quel est le degré de contrôle exercé par le juge administratif sur les actes qui lui sont soumis ? Ce degré de contrôle varie-t-il en fonction de la nature de l’acte attaqué et de la marge d’appréciation dont dispose l’administration ?

Le juge administratif juge la conformité des actes de l’Administration aux lois.  Il n’a pas le pouvoir de contrôler l’opportunité de tels actes.

3.6. Opinions dissidentes des juges

Les juges ayant participé au jugement mais qui sont en désaccord avec le sens de la décision rendue peuvent-ils publiquement faire part de leur opinion dissidente ? Si oui, est-ce le cas pour toutes les affaires ?

Un jugement est toujours pris à la majorité des membres de la formation du jugement.  Les juges ayant participé au jugement mais qui sont en désaccord avec le sens du jugement peuvent publier leur opinion dissidente.

3.7. Modes alternatifs de règlement des litiges

Existe-t-il des modes alternatifs de règlement des litiges ? Si oui, lesquels ?

Conformément à l’article 66/1 de la Loi portant création des juridictions administratives et de la procédure administrative contentieuse, B.E. 2542 (1999), les juridictions administratives ont le pouvoir de résoudre par la médiation des litiges se rapportant au manquement d’une administration ou d’un agent de l’Etat à un devoir imposé par la loi, ou au retard excessif dans l’accomplissement d’un tel devoir, des litiges tendant à engager la responsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute d’une administration ou d’agent de l’Etat résultant soit de l’exercice de son pouvoir en vertu d’une loi, soit d’un règlement, d’une décision, soit du manquement à un devoir imposé par la loi, ou du retard excessif dans l’accomplissement d’un tel devoir, des litiges nés d’un contrat administratif, et les autres litiges prévus par le règlement de l’assemblée générale de la Cour administrative suprême.

Les parties ou une partie avec le consentement d’une autre partie peuvent porter une demande devant la juridiction administrative pour la médiation sans condition de délai à partir de la date de la formation d’un recours devant la juridiction administrative jusqu’au jour de la fin d’enquête des faits. La juridiction administrative peut initier les parties à la médiation selon leurs consentements.  A cet égard, un juge qui n’est pas concerné peut être désigné comme un médiateur.   

Dans le cas où un litige est réglé, la juridiction administrative peut rendre un jugement conformément au résultat de la médiation.  Lorsque les parties ont résolu, en partie, un litige, la juridiction administrative écrit des conditions convenues dans la médiation dans un rapport des procédures judiciaires et continue de connaître un litige non réglé. Ensuite, un jugement est rendu.  Si les parties sont contre la médiation ou elle ne réussit pas, les procédures judiciaires seront poursuivies.

3.8. Procédures dématérialisées

Existe-t-il une procédure spécifique pour saisir le juge administratif par voie dématérialisée ?

Pour l’état actuel, l’article 46 et l’article 61/1 de la Loi portant création des juridictions administratives et de la procédure administrative contentieuse, B.E. 2542 (1999) prévoient la possibilité pour la partie de communiquer des actes de procédure par la voie électronique. Accomplie par le Règlement de l’assemblée générale de la Cour administrative suprême sur la procédure électronique, B.E. 2562 (2019), le E-ADMINCOURT est un système unique disponible au public, il sera très rapidement mis en service. Grâce aux fonctions multiples, ce logiciel permet au juge de travailler à distance, consulter les jurisprudences et les bases de données nécessaires pour effectuer son travail.

D’ailleurs, le présent Règlement prévoit également la visioconférence dans la procédure contentieuse administrative. Si la demande d’utilisation aboutit à des conditions suffisantes, le juge rapporteur prononce une ordonnance autorisant l’utilisation de cette procédure électronique.

Grâce à ce système E-ADMINCOURT, il donne la possibilité de traiter les affaires par voie dématérialisée depuis la saisine de la juridiction. Par cette voie électronique, les parties peuvent faire échange de mémoires et de pièces, et les juridictions peuvent notifier de la décision ou le jugement. Tous les actes de procédures pourront s’effectuer grâce à cet outil.

4. Effets et exécution des jugements

4.1. Pouvoirs du juge

Le juge peut-il substituer ses propres analyses et décisions à celles de l’administration ou a-t-il seulement un choix binaire : annuler l’acte ou rejeter le recours ? Peut-il contraindre l’administration à agir dans un sens déterminé (pouvoir d’injonction, astreintes) ?

Le juge administratif a le pouvoir d’annuler des règlements ou un ordre ou d’ordonner de prohiber une action. Dans les décisions, le juge peut préciser si elles ont un effet rétroactif ou non, et qu’elles prennent effet pour une date déterminée ou quelques conditions.  En outre, il peut  donner ses recommandations pour une bonne exécution des décisions. Pourtant, il ne peut pas modifier l’acte administratif en y substituant sa propre analyse.   

Dans le cas où  une administration publique ou un agent de l’Etat n’exécute pas les injonctions de la juridiction administrative correctement ou complètement ou dans un délai déterminé, la juridiction administrative peut leur infliger une amende qui peut aller jusqu’à cinquante mille bahts. Si l’agent de l’Etat ne peut pas en payer, la juridiction administrative peut rendre une exécution afin qu’il livre son bien.  

4.2. Portée des décisions du juge administratif et autorité de la chose jugée

À qui les décisions rendues par le juge administratif s’imposent-elles ? A tous sans distinction (autorité absolue de la chose jugée) ou seulement aux parties au litige (autorité relative de la chose jugée) ? Quel est le critère permettant de décider entre ces deux options le cas échéant ?

Un jugement ou une décision de justice prend effet pour toutes les parties concernées. Pourtant, quelques-uns prennent effet aussi pour les tiers tels que les jugements ou les décisions de justice ordonnant l’expulsion étant applicables aux personnes habitants dans un endroit ; les jugements déclaratoires relatifs à l’état ou à la capacité des personnes, d’une personne juridique, ou des droits des propriétés étant opposables aux tiers.  De plus, un jugement ou une décision de justice prend effet aussi pour un garant dans le cas où il fournit une garantie selon le jugement ou la décision juridique rendus.

Dans le cas où la juridiction administrative rend les décisions d’annulation de règlement, elles prennent l’effet à la date de publication au Journal Officiel.

4.3. Voies de recours

Les décisions rendues par le juge administratif peuvent elles être contestées ? Pendant combien de temps ? Devant quelles autorités / juridictions ?

Un appel peut être formé contre un jugement ou une décision des Tribunaux administratifs de première instance dans un délai de trente jours à compter du jour de la livraison du jugement ou de la décision.  

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