L’Algérie appartient à un système juridictionnel inspiré du système français. Ce système est fondé sur la dualité des ordres de juridiction : l’ordre des juridictions judiciaires de droit commun, composé de 48 Cours de justice et de 132 tribunaux et, à leur tête, de la Cour Suprême, et l’ordre des juridictions administratives, composé de 44 tribunaux administratifs et du Conseil d’Etat. Cette dualité a été introduite et consacrée par la Constitution de 1996.
Avant cette réforme, le système ne comprenait qu'un seul ordre juridictionnel au sein duquel coexistait les contentieux judiciaire et administratif.
Les textes législatifs à l’origine de la création de juridictions actuelles sont :
- La loi organique n°98-01 relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat ;
- La loi n°98-02 du 30 mai 1998 relative aux tribunaux administratifs ;
- La loi n°98-03 du 03 juin 1998 relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du tribunal des conflits.
Avant 1962, la justice algérienne fait partie du système judiciaire français.
Le règlement du contentieux administratif est plus particulièrement dévolu à trois tribunaux administratifs, siégeant à Alger, Oran et Constantine et dont les décisions sont soumises au contrôle de cassation du Conseil d’Etat à Paris.
Après l’indépendance, le système judiciaire subit plusieurs changements.
De 1962 à 1965, les trois tribunaux administratifs siégeant à Alger, Oran et Constantine se partagent la totalité du contentieux administratif.
En 1965, ces trois tribunaux sont transformés en chambres administratives au sein des Cours d’Alger, d'Oran et de Constantine (ordonnance n°65-278 du 16 novembre 1965 portant organisation judiciaire et décret 65-279 du 17 novembre 1965 relatif à l’application de l’ordonnance n°65-278 du 16 novembre 1965 portant organisation judiciaire).
En 1986, le nombre des chambres administratives passe à vingt, les chambres administratives des Cours d’Alger, Oran, Constantine, Béchar et Ouargla ont une compétence régionale.
A partir de 1990, chaque Cour dispose d’une chambre administrative. Les appels de leurs décisions sont interjetés devant la chambre administrative de la Cour Suprême.
En 1996, la révision de la Constitution créé le Conseil d’Etat (art. 152), juridiction suprême de l’ordre administratif au même titre que la Cour Suprême pour l’ordre judiciaire, et organe régulateur de l'activité des juridictions administratives.
En 1998, la loi organique n°98-01 du 30 mai 1998 dote le Conseil d'Etat d'une compétence judiciaire classique et d'une compétence consultative originale.
Depuis l’avènement de l’ordre juridictionnel administratif, la dualité des deux ordres est fondée sur la séparation des pouvoirs et sur la particularité des règles régissant l’administration.
Les actes de l’administration peuvent faire l'objet de recours pour excès de pouvoir (recours objectifs) qui permettent au juge administratif de censurer les actes entachés d’illégalité externe ou interne et de prononcer des injonctions à l'égard de l’administration.
Le critère de compétence est le critère organique consacré par l’article 800 du code de procédure civile et administrative (CPCA), à l’exception de cas particuliers dans lesquels le critère matériel de compétence de la juridiction administrative s'applique (ex : l’article 6 du décret présidentiel n°15-247 du 16 septembre 2015 portant réglementation des marchés publics qui prévoit que les dispositions du code sont également applicables « aux établissements publics soumis à la législation régissant les activités commerciales, lorsque ceux-ci sont chargés de la réalisation d’une opération financée, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l’Etat ou des collectivités territoriales »).
La loi n°98-02 du 30 mai 1998 instituent les tribunaux administratifs. Ses dispositions sont précisées par le décret exécutif n°98-356 du 14 novembre 1998. Ce décret est modifié par le décret exécutif n°11-195 du 22 mai 2011.
Ce texte prévoit les règles de procédure applicables devant les tribunaux administratifs, ainsi que le nombre et la compétence territoriale de ces tribunaux.
Il existe des juridictions administratives spécialisées dont les décisions sont soumises à la censure du Conseil d’Etat par la voie de la cassation, à savoir :
- la Cour des Comptes ;
- la commission bancaire ;
- les juridictions professionnelles.
La justice administrative est rendue par des chambres non spécialisées disposant d’une compétence générale.
La formation de jugement est collégiale à tous les niveaux (tribunal administratif ou Conseil d'Etat).
Ces juridictions administratives sont organisées en chambres non spécialisées. Le législateur a institué une formation de jugement collégiale même en matière de référé.
Les tribunaux n’ont pas d’attributions consultatives. La fonction consultative est attribuée au Conseil d’Etat, et à lui seulement, par la Constitution et par la loi organique qui l’organise.
Le Conseil d’Etat donne son avis au gouvernement sur les projets de lois et les projets d’ordonnances. En cas de vacance de l'Assemblée Nationale ou durant les vacances parlementaires, les ordonnances présidentielles sont aussi soumises à la compétence consultative du Conseil d'Etat.
Outils informatiques (PC et Internet) ; Bibliothèque ; voyages d’étude ; séminaires ; conférences.
L'accès à la magistrature administrative se fait uniquement sur concours. Le concours permet aux titulaires d’une licence de droit d’accéder à l’école supérieure de la magistrature pour une formation d’une durée de trois ans (formation théorique plus des stages pratiques au niveau des juridictions).
Les garanties statutaires offertes aux juges dans l’exercice de leurs fonctions sont consacrées par :
Les tribunaux administratifs connaissent, en premier ressort et en appel, toutes les affaires où est partie l’Etat, la wilaya (le département), la commune ou un établissement public à caractère administratif (art. 800 du CPCA).
Ils sont également compétents (art. 801 du CPCA) pour statuer sur :
a. Les recours en annulation, en interprétation et en appréciation de la légalité des actes administratifs pris par :
b. Les recours de pleine juridiction ;
c. Les affaires que leur confèrent des textes particuliers.
Par dérogation aux dispositions des articles 800 et 801, relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaires ordinaires les contentieux suivants :
Les recours que les requérants peuvent former devant la juridiction administrative sont :
La juridiction administrative peut statuer sur des recours indemnitaires (devant les tribunaux administratifs).
Le Conseil d’Etat connait, en premier et dernier ressort, des recours en annulation, en interprétation ou en appréciation de la légalité formés contre les actes administratifs émanant des autorités administratives centrales. Il connait également des affaires que lui attribuent certaines dispositions particulières (art. 901 du CPCA).
Le Conseil d'Etat est compétent pour statuer en appel contre les jugements et ordonnances rendus par les tribunaux administratifs. Il est également compétent comme juge d'appel pour les affaires qui lui sont attribuées en application de textes particuliers (art. 902 du CPCA).
Le Conseil d'Etat est compétent pour statuer sur les pourvois en cassation rendus par les juridictions administratives en dernier ressort. Il connait également des pourvois en cassation que lui confèrent les textes particuliers (art. 903 du CPCA).
Les voies de recours sont :
Il existe des procédures d'urgence. Elles sont générales et ne concernent pas les domaines particuliers de l’action administrative (art. 919 et suite du CPCA).
Il s'agit du référé liberté, du référé provision, du référé constat, du référé instruction, du référé en matière de passation des contrats et marchés et du référé fiscal.
La procédure contentieuse devant le juge administratif tente de réaliser un compromis entre l’intérêt général, incarné dans le procès par l’administration, et les intérêts des particuliers qui doivent être protégés contre les abus de la puissance publique.
D’abord, la procédure est inquisitoire. Elle est conduite par le juge. Celui-ci fixe la durée de l’instruction du litige et participe à la recherche de la preuve. Les parties bénéficient de ce pouvoir qui intervient pour éviter que l’administration n’utilise sa position privilégiée pour différer le jugement ou retenir des éléments de preuve.
L’urgence et la publicité des débats sont un gage d’une justice rapide (art. 819 alinéa 2 du CPCA). Pour contrebalancer l’inégalité des personnes en cause, le juge utilise son pouvoir d’injonction au bénéfice des personnes privées en ne faisant pas supporter à celles-ci la charge en matière de la preuve.
La loi attribue au juge administratif le contrôle des actes de l’administration pour la contraindre au respect du droit et des droits subjectifs des individus. Elle lui permet, par le recours pour excès de pouvoir, de les censurer.
Comme elle lui attribue le droit d’interprétation d’un acte administratif, la loi permet au juge administratif un contrôle normal de la légalité externe et un contrôle réduit de la légalité interne suivant le respect du principe de la séparation des autorités et du respect de la liberté d’action de l’autorité administrative.
En revanche, le juge administratif n’est pas compétent pour contrôler la conformité des lois et des règlements à la Constitution, attribution relevant du Conseil Constitutionnel (art. 186 de la Constitution).
L’article 188 de la Constitution de 2016 a consacré l’exception d’inconstitutionnalité.
Il est compétent pour contrôler l’ensemble des actes pris par l’administration, à l'exception des actes de gouvernement, des actes parlementaires et des mesures relatives au fonctionnement du service judiciaire (actes juridictionnels édictés par les magistrats, actes de procédures non détachables des actes juridictionnels).
Quel est le degré de contrôle du juge administratif ?
Le contrôle exercé par le juge sur les actes qui lui sont soumis est fondé sur les voies de droit permettant aux particuliers de saisir le juge administratif dans le cadre d’un ordre de juridiction particulier (ordre administratif), spécialisé dans le jugement des affaires administratives, tout en respectant la règle de la séparation des pouvoirs.
Le juge ne peut publiquement faire part de son opinion dissidente lorsqu'il est en désaccord avec le sens de la décision à laquelle il a participé. Il est soumis à une obligation de réserve (art. 7 statut de la magistrature). Il lui est interdit de communiquer toute information se rapportant aux décisions judiciaires (art. 11 du statut).
Le juge est tenu par :
Il existe des modes alternatifs de règlement des litiges dans le souci d’éviter l’encombrement des tribunaux et d’accélérer la résolution des litiges. Ces procédures sont prévus par le livre V du CPCA : la conciliation, la médiation et l’arbitrage.
En matière d’arbitrage, toute personne peut compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition. On ne peut compromettre sur les questions concernant l’ordre public, l’état et la capacité des personnes. Les personnes morales de droit public ne peuvent pas compromettre, sauf dans leurs relations économiques internationales et en matière de marchés publics.
Il n'existe pas de procédure spécifique pour saisir le juge administratif par voie dématérialisée.
Le juge ne peut qu’annuler l’acte contesté ou rejeter le recours. En annulant l’acte, il contraint l’administration à prendre une décision positive. C’est une sorte d’obligation de faire indirecte qui se concrétise lorsque l’administration a compétence liée. Le juge laisse le choix à l’administration entre l’inexécution de la décision dans un délai certain et la condamnation à une astreinte ou à une indemnisation.
Le juge ne peut pas substituer ses analyses et ses décisions à celles de l'administration (conformément au principe de la séparation des pouvoirs), mais au cas où un jugement impliquerait que l'administration doive prendre une mesure d'exécution bien déterminée, et qui n'a pas été ordonnée à l'instance précédente, le juge administratif peut prescrire cette mesure comme il peut, en cas d'inexécution d'un jugement par l'administration, prononcer une astreinte.
Les décisions rendues par le juge administratif sont considérées comme passées en autorité de la chose jugée, à l’exception des jugements avant dire droit. La jurisprudence a seulement consacré l’autorité absolue des arrêts d’annulation intervenus sur recours pour excès de pouvoir. Cette autorité s’impose à tous.
Année 2015 : 14.281 affaires
Le Conseil d’Etat se compose de 72 magistrats dont 59 conseillers d’Etat et 13 magistrats relevant du Commissariat d’Etat.
A cet effectif, il y a lieu de rajouter 21 magistrats affectés aux services administratifs dont un magistrat chargé du greffe central.
Situation budgétaire du Conseil d’Etat en 2017 (en dinars algériens):
Exercice |
Crédits alloués |
Dépenses de personnels |
Dépenses de fonctionnement |
Total des dépenses |
2016 |
620.740.000 DA |
96.466.281,00 |
104.018.068,79 |
500.484.349,79 |
2017 |
570.000.000 DA |
405.643.292,03 |
85.371.562,64 |
491.014.854,67 |
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