Le système judiciaire en Suède comprend les institutions chargées de garantir l'État de droit et la sécurité juridique. Les tribunaux constituent l'élément central de ce système.
L'État de droit signifie que l'administration de la justice et l'exercice de l'autorité publique doivent être prévisibles, cohérents et réalisés conformément aux règles juridiques en vigueur. Ce système garantit que les individus et les entités juridiques sont protégés contre les atteintes criminelles à leur vie, leur santé, leur liberté, leur intégrité et leurs biens.
Il est essentiel que le système judiciaire, en coopération avec l’ensemble de la société, travaille à prévenir et combattre la criminalité, tout en soutenant les victimes d’infractions. De plus, la sécurité juridique exige une procédure facilement accessible pour régler les litiges qui surviennent dans la société.
La Constitution suédoise reconnait l'indépendance des tribunaux. Ni le Parlement (Riksdag) ni aucune autre autorité ne peuvent influencer leurs décisions.
Le rôle constitutionnel actuel des autorités administratives trouve sa source dans la consolidation de l'État suédois au XVIIᵉ siècle. Sous le règne du roi Gustave II Adolphe, les juridictions locales, dont les décisions ne pouvaient être contestées que devant le roi, furent complétées par des cours d’appel rendant la justice au nom du roi, qui conservait en pratique la décision finale.
Des tribunaux spécialisés apparurent dès le début et le milieu des années 1600, tels que la Cour des Chambres et les tribunaux militaires et les tribunaux d'amirauté. En 1789, le roi Gustave III créa plusieurs nouvelles institutions, dont la Cour suprême.
Les grandes réformes constitutionnelles de 1809, période charnière de l’histoire suédoise marquée par la perte de la Finlande et l’ascension de la dynastie Bernadotte, permirent à la Cour suprême d’acquérir une réelle indépendance vis-à-vis du roi.
Toutefois, la compétence de la Cour suprême et des tribunaux de droit commun ne s’étendait pas aux affaires administratives, qui étaient tranchées en dernier ressort par le Gouvernement. Afin d’alléger cette charge, la Cour administrative suprême fut créée en 1909.
D’importantes réformes furent mises en œuvre dans les années 1960. La police et les procureurs furent réorganisés et intégrés au sein de l’État. Des tribunaux nationaux de district furent créés pour remplacer les tribunaux locaux des villes et des campagnes.
Malgré la création de la Cour administrative suprême, le gouvernement a conservé de larges compétences en matière de contentieux administratif, progressivement réduites. Le statut de la Cour administrative suprême a été réformé en 1974, avec l'introduction d'un système juridictionnel à trois degrés de juridiction.
La loi fondamentale actuelle, qui constitue le cœur du système constitutionnel suédois, est l’Instrument de gouvernement de 1974, en vigueur depuis 1975. La procédure devant les juridictions administratives est régie par la Loi sur la procédure des tribunaux administratifs de 1971.
Le système judiciaire repose sur deux grands types de juridictions : les juridictions de droit commun et les juridictions administratives.
Ces deux ordres de juridictions sont organisés en trois niveaux :
Il existe une séparation claire des compétences entre les juridictions de droit commun et les juridictions administratives, chacune étant régie par des règles distinctes en matière de compétence et de procédure.
Comme dans la plupart des pays démocratiques, la Suède dispose d'une Constitution écrite. L’Instrument de gouvernement définit le fonctionnement des institutions de l’État. Son premier article dispose que qu'elles doivent agir conformément à la loi, affirmant ainsi un principe fondamental de légalité. Ce principe s'applique aux tribunaux, à l'administration publique, au gouvernement et au Parlement.
Les dispositions de l’Instrument de gouvernement relatives à la justice et à l’administration publique sont énoncées dans les chapitres 11 et 12. Elles précisent que les attributions des tribunaux, ainsi que les principes essentiels de leur organisation et de la procédure contentieuse, doivent être fixés par la loi. Certaines dispositions visent principalement à garantir et à protéger l'indépendance du pouvoir judiciaire et des autorités administratives.
Le Parlement ne peut exercer de fonctions judiciaires ou administratives que dans les limites définies par la loi fondamentale ou par la loi sur le Parlement. De plus, aucune autorité publique ne peut interférer dans les décisions des tribunaux concernant des affaires spécifiques ou dans les décisions des autorités administratives concernant des particuliers ou des collectivités locales, ni dans l’application de la loi.
2.2.1. Organisation générale de l'ordre juridictionnel administratif
Les tribunaux administratifs traitent les litiges entre particuliers et autorités publiques. Ils sont organisés en trois niveaux de juridiction :
La Suède compte douze tribunaux administratifs et quatre cours administratives d’appel.
Les tribunaux administratifs de Stockholm, Göteborg, Malmö et Luleå sont compétent en matière d'immigration, traitant les affaires de droit des étrangers et de citoyenneté en première instance. La Cour d’appel de l’immigration, qui est l’instance suprême pour ces affaires, fait partie de la Cour administrative d’appel de Stockholm.
Une affaire jugée en tribunal administratif peut être portée devant une cour administrative d'appel, mais uniquement si l'autorisation de recours est accordée. Certaines affaires, comme les affaires fiscales ou celles concernant les soins contraints, bénéficient d’un recours automatique. De même, l’accès à la Cour administrative suprême est soumis à une autorisation de recours, accordée uniquement pour les affaires présentant un intérêt jurisprudentiel ou des motifs exceptionnels.
La Cour administrative suprême peut aussi, sur demande, contrôler les décisions administratives du gouvernement si elles concernent un droit civil et ne peuvent être examinées par aucun autre tribunal. Si la décision est jugée contraire à une disposition légale, elle peut être annulée.
2.2.2. Organisation interne des juridictions administratives et composition des formations de jugement
Tribunaux administratifs de première instance : un juge professionnel et trois juges non professionnels (juges assesseurs) statuent sur les affaires. Cependant, un juge unique peut statuer dans un grand nombre d'affaires.
Cours administratives d’appel : trois juges professionnels siègent en formation normale lorsqu’un recours est admis. Dans certains cas, ils sont rejoints par deux juges assesseurs. Lorsque le recours est admis, deux juges suffisent, sauf en cas de désaccord, auquel cas trois juges doivent statuer.
Cour administrative suprême : examine les recours formés contre les décisions des cours administratives d’appel et les appels des décisions du Conseil des affaires fiscales.
2.2.3. Fonction consultative
Les tribunaux administratifs ont uniquement des fonctions judiciaires.
Cependant, les juges de la Cour administrative suprême peuvent siéger au Conseil de la législation, qui est consulté par le gouvernement avant la présentation de projets de loi au Parlement. Ce conseil examine les propositions sous un angle juridique et peut suggérer des modifications. Son avis n'est toutefois pas contraignant pour le gouvernement.
2.2.4. Outils et ressources documentaires à la disposition des juges
Les juges ont accès à une bibliothèque et à un large éventail de bases de données juridiques.
Les juges peuvent également être recrutés parmi les avocats, universitaires ou procureurs.
Garanties d’indépendance
L’indépendance de la magistrature est garantie par la Constitution suédoise :
Protection des juges en exercice
En Suède, il n'existe pas de code de déontologie spécifique pour les juges, mais le Médiateur parlementaire et le Chancelier de la justice surveillent l’ensemble des agents publics, y compris les magistrats.
La plupart des affaires portées devant les juridictions administratives résultent d’un recours contre une décision prise par une autorité administrative. Il existe deux principales catégories de recours.
La première catégorie concerne les litiges entre les autorités publiques et les particuliers, comme les affaires fiscales et les affaires relatives aux prestations de sécurité sociale. La décision du tribunal porte alors à la fois sur la légalité et l’opportunité de la décision contestée, et la décision du tribunal remplace celle de l’autorité administrative. Ce type de recours vise à contrôler l’application de la loi par les autorités administratives et à protéger les droits individuels.
La deuxième catégorie de recours concerne les décisions prises par les autorités locales ou régionales opérant dans le cadre de l’autonomie municipale. Sur requête de tout individu résidant dans la municipalité ou la région concernée, une décision de ces autorités peut être examinée par un tribunal administratif. Toutefois, ce recours est limité à une évaluation de la légalité de la décision.
Outre ces recours juridictionnels, une affaire peut être portée devant les tribunaux administratifs par une demande introduite par une autorité administrative, sans décision administrative préalable. Cela concerne notamment les affaires impliquant des mesures de soins obligatoires et de soins psychiatriques.
Les juridictions administratives ne statuent pas sur les demandes d’indemnisation.
Il existe une disposition générale dans la loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs qui permet à un tribunal administratif de suspendre l’exécution d’une décision administrative avant que l’affaire ne soit jugée sur le fond. Elle permet également au tribunal de prendre d’autres décisions provisoires jugées nécessaires.
Il existe également des dispositions spécifiques, par exemple dans la loi sur les marchés publics, qui permettent une intervention avant que l’affaire ne soit jugée sur le fond.
La procédure devant les tribunaux administratifs est régie par la loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs.
En règle générale, la procédure est écrite, bien qu’une audience orale puisse avoir lieu si cela peut être bénéfique à l’instruction ou accélérer la décision dans l’affaire. Si un justiciable demande une audience orale, elle doit être accordée, sauf si elle est manifestement inutile. Dans certaines affaires, notamment celles concernant les soins obligatoires, une audience orale a lieu, sauf si elle est clairement inutile. Dans de tels cas, si une audience est demandée par l’intéressé, elle doit toujours être accordée.
Il convient de distinguer le contrôle complet d’un acte administratif dans une affaire particulière, qui porte à la fois sur la légalité et l’opportunité de la décision, et le contrôle du règlement ou de la loi elle-même qui a été appliqué dans l’affaire jugée. Le contrôle de la décision administrative est limité aux demandes formulées par les parties. Ces dispositions sont prévues dans la loi sur la procédure devant les tribunaux administratifs.
S’agissant des règlements et lois, le tribunal a le pouvoir, dans une affaire particulière, de vérifier si une norme respecte les dispositions supérieures (comme la Constitution ou le droit de l’UE), ce que l’on appelle l’examen de légalité des normes. Si une norme est jugée contraire à une disposition supérieure, elle n’est pas appliquée. Ces règles sont énoncées dans la Loi fondamentale.
Les actes administratifs qui ne concernent pas les droits, obligations ou intérêts de personnes physiques ou morales ne sont, en principe, pas ouverts à un contrôle juridictionnel (sauf en ce qui concerne le contrôle de légalité des décisions prises par les collectivités locales). Les décisions prises au cours d’une procédure administrative, telles que la transmission d’un document pour consultation, ne peuvent pas faire l’objet d’un recours, sauf disposition contraire. Seule la décision finale peut faire l’objet d’un recours.
Certains actes administratifs sont encore de la compétence du gouvernement, sans possibilité de recours devant un tribunal administratif ordinaire. Ces décisions concernent des questions où les considérations politiques sont prépondérantes (par exemple, l’aménagement urbain, la localisation des chemins de fer, etc.). Lorsqu’une telle décision affecte les droits civils d’un individu, celui-ci peut demander un contrôle juridictionnel devant la Cour administrative suprême. Ce contrôle, appelé « contrôle juridictionnel », est strictement juridique mais prend en compte non seulement la législation applicable, mais aussi les principes généraux du droit et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Si la Cour estime qu’un principe juridique a été violé, elle peut annuler la décision. Un délai de trois mois à compter de la décision est prévu pour introduire un tel recours.
La Cour administrative suprême a le pouvoir d’annuler ou de modifier les décisions des autorités administratives dans des affaires individuelles et dispose d’une compétence complète pour évaluer à la fois les faits et le droit. Les décisions des autorités politiques municipales, en revanche, peuvent uniquement être annulées et non modifiées.
Les opinions dissidentes sont autorisées dans toutes les juridictions administratives et dans tous les types d’affaires. Toutefois, dans la majorité des cas, la décision est prise à l’unanimité.
Il n’existe pas de méthodes alternatives de résolution des litiges devant les juridictions administratives.
Il n’existe pas de procédure numérique spécifique pour le dépôt des requêtes.
Comme mentionné précédemment, la Cour administrative suprême a le pouvoir d'annuler ou de modifier les décisions des autorités administratives dans des affaires individuelles et dispose d'une compétence complète pour évaluer aussi bien les faits que le droit. Toutefois, les décisions des autorités politiques municipales dans des affaires individuelles ne peuvent être qu'annulées et jamais modifiées.
La Cour administrative suprême n'est pas habilitée à modifier des actes administratifs ni à accorder des dommages et intérêts, mais elle peut émettre des injonctions ou imposer des astreintes pour faire exécuter ses décisions, si la loi le prévoit.
La nature même de la procédure administrative implique que la plupart des décisions sont prises en considération de la situation actuelle et sont donc pertinentes uniquement pour l'avenir. Ainsi, l'autorité de la chose jugée n'est pas courante, mais peut exister, par exemple, dans des affaires fiscales ou en matière de prestations de sécurité sociale pour une période déterminée dans le passé. Il n'existe aucune limitation quant à la possibilité de déposer une nouvelle demande pour, par exemple, une licence donnée à plusieurs reprises.
En principe, une décision judiciaire ne produit d'effets que pour les parties concernées.
Les décisions précédentes dans des affaires similaires ne sont pas contraignantes. Le tribunal est libre de rendre un jugement différent. Même les précédents jurisprudentiels de la Cour administrative suprême ne sont pas formellement contraignants, bien qu'en pratique, ils soient suivis.
Les recours contre les décisions administratives doivent être introduits dans des délais déterminés, généralement trois semaines après la notification officielle de la décision au requérant. Pour les affaires fiscales et les affaires relatives à l’assurance sociale, un délai plus long est applicable. Les autorités et les tribunaux sont tenus d’informer les parties des délais et autres conditions formelles de recours.
En règle générale, un tribunal ne peut pas accorder de prolongation du délai de recours. Toutefois, il existe une possibilité, par le biais de moyens extraordinaires, d'accorder un délai supplémentaire dans les cas où le requérant peut prouver qu'il ou elle n'a pas pu introduire le recours dans les délais pour des raisons indépendantes de sa volonté.
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